Dilatation des artères : causes, symptômes et options de traitement modernes

Introduction
Nos artères, ces conduits souples et élastiques, sont conçues pour transporter le sang riche en oxygène du cœur vers le reste du corps sous haute pression. Mais avec le temps et sous l’influence de divers facteurs, la paroi de ces artères peut perdre son élasticité et se fragiliser. Lorsqu’une faiblesse localisée se développe, la pression sanguine constante peut la faire gonfler comme un ballon : c’est la dilatation artérielle, plus connue sous le nom d’anévrisme.
Cette pathologie est l’une des plus redoutables en chirurgie vasculaire car elle évolue le plus souvent en silence, sans aucun symptôme. L’anévrisme agit comme une bombe à retardement, dont le risque majeur est la rupture. Cette complication est une urgence vitale absolue, provoquant une hémorragie interne massive qui est fatale dans plus de 80% des cas avant même l’arrivée à l’hôpital.
En Tunisie, où les facteurs de risque cardiovasculaire comme l’hypertension, le tabagisme et le diabète sont en pleine expansion, la prévalence des anévrismes est une préoccupation croissante de santé publique. Le plus fréquent d’entre eux est l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA), qui touche principalement les hommes de plus de 60 ans. Comprendre les causes de cette maladie silencieuse, en reconnaître les rares symptômes et connaître les options de traitement modernes est essentiel pour désamorcer le risque avant qu’il ne soit trop tard.
Qu’est-ce qui cause la dilatation des artères ? Les facteurs de risque
Un anévrisme ne se forme pas par hasard. Il est le résultat d’un processus de dégradation de la paroi artérielle, en particulier des fibres d’élastine et de collagène qui lui confèrent sa résistance. Plusieurs facteurs, souvent combinés, contribuent à cette fragilisation.
L’Athérosclérose : L’ennemi numéro 1
L’athérosclérose est le principal coupable. Il s’agit du même processus qui est à l’origine des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Des dépôts de cholestérol et d’autres substances (la “plaque d’athérome”) s’accumulent dans la paroi des artères, provoquant une inflammation chronique qui détruit progressivement sa structure et son élasticité.
Les principaux facteurs de risque modifiables et non modifiables
Certains facteurs de risque accélèrent considérablement ce processus. Les identifier est la première étape de la prévention.
| Catégorie | Facteur de Risque | Impact sur les Artères |
| Comportementaux | Tabagisme | C’est le facteur de risque le plus important. La fumée de cigarette accélère l’athérosclérose, augmente l’inflammation et active des enzymes qui détruisent le collagène et l’élastine. Un fumeur a 5 à 7 fois plus de risques de développer un AAA qu’un non-fumeur. |
| Physiologiques | Hypertension Artérielle (HTA) | Une pression sanguine élevée exerce une contrainte mécanique constante sur la paroi artérielle, accélérant sa fatigue et sa dilatation. C’est un facteur majeur de croissance et de risque de rupture de l’anévrisme. |
| Hypercholestérolémie | Un taux élevé de “mauvais” cholestérol (LDL) est le carburant de la plaque d’athérome. | |
| Génétiques | Antécédents familiaux | Le risque est multiplié si un parent du premier degré (père, mère, frère, sœur) a eu un anévrisme. Il existe une prédisposition génétique claire, justifiant un dépistage familial. |
| Démographiques | Âge | Le risque augmente significativement après 60 ans. La paroi artérielle perd naturellement de son élasticité avec le vieillissement. |
| Sexe masculin | Les hommes sont 4 à 5 fois plus touchés que les femmes. Cependant, chez les femmes, les anévrismes ont tendance à se rompre à un plus petit diamètre et sont souvent plus dangereux. |
Le profil type du patient à risque : Un homme de plus de 65 ans, fumeur ou ancien fumeur, et hypertendu. Si vous correspondez à ce profil, un dépistage est fortement recommandé.
Plus rarement, des anévrismes peuvent être causés par des infections de la paroi artérielle (anévrismes mycotiques) ou des maladies génétiques du tissu conjonctif comme le syndrome de Marfan.
Symptômes et Diagnostic : Une maladie le plus souvent silencieuse
Le caractère le plus dangereux de l’anévrisme est son absence de symptômes dans la grande majorité des cas. Il est souvent découvert de manière fortuite, lors d’un examen d’imagerie (échographie, scanner) réalisé pour une autre raison.
Les rares symptômes qui peuvent alerter
Quand ils existent, les symptômes sont généralement le signe que l’anévrisme grossit rapidement ou qu’il est sur le point de se rompre.
- Une douleur sourde et persistante : Elle peut être ressentie dans l’abdomen ou dans le dos (douleur lombaire). Elle est souvent confondue avec des douleurs rhumatismales ou digestives.
- La perception d’une masse pulsatile : Chez une personne mince, il est parfois possible de sentir une “boule qui bat” au rythme des battements du cœur en appuyant au-dessus du nombril. C’est un signe qui jjustifie une consultation immédiate)**.
- Des douleurs dans les jambes ou les pieds : De petits caillots peuvent se former dans la poche de l’anévrisme et migrer dans les artères des jambes, provoquant une ischémie (manque d’oxygène) qui se manifeste par un pied froid, douloureux, ou des taches bleutées (orteil bleu).
Le symptôme ultime : la rupture
La rupture de l’anévrisme est un événement brutal et dramatique. Elle se manifeste par :
- Une douleur abdominale ou dorsale foudroyante, décrite comme un “coup de poignard”.
- Une chute brutale de la tension artérielle, un malaise, une perte de connaissance (état de choc hémorragique).
C’est une urgence vitale absolue. Le taux de survie est extrêmement faible.
Le diagnostic et le dépistage : l’échographie, un examen simple et efficace
Le diagnostic et le dépistage de l’anévrisme de l’aorte abdominale reposent sur un examen simple, non invasif et peu coûteux : l’écho-doppler abdominal. Cet examen permet de visualiser l’aorte, de mesurer son diamètre avec précision et de rechercher la présence de caillots.
Recommandations de dépistage : Un dépistage systématique par écho-doppler est recommandé une fois dans la vie pour : – Tous les hommes de 65 à 75 ans qui sont fumeurs ou anciens fumeurs. – Les hommes de plus de 60 ans ayant un antécédent familial d’anévrisme.
Une fois l’anévrisme diagnostiqué, un angioscanner sera réalisé. Cet examen plus précis, avec injection de produit de contraste, permet d’obtenir une cartographie 3D de l’anévrisme, de mesurer son diamètre exact, sa longueur, et ses rapports avec les artères importantes (notamment les artères rénales). C’est l’examen indispensable pour planifier le traitement.
Les options de traitement modernes : Chirurgie ou Endovasculaire ?
La décision de traiter un anévrisme dépend principalement de son diamètre et de sa vitesse de croissance. Le risque de rupture augmente de manière exponentielle avec la taille. En général, on considère qu’un traitement est nécessaire lorsque le diamètre de l’AAA atteint 55 mm chez l’homme, et 50 mm chez la femme.
En dessous de ces seuils, une simple surveillance par écho-doppler tous les 6 à 12 mois est mise en place, associée à un contrôle strict des facteurs de risque (arrêt impératif du tabac, traitement de l’hypertension).
Lorsque le traitement est décidé, deux stratégies modernes sont possibles en 2025.
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La Chirurgie Ouverte (“mise à plat-greffe”)
C’est le traitement historique, qui a prouvé son efficacité et sa durabilité depuis plus de 50 ans.
- Le principe : L’intervention est réalisée sous anesthésie générale. Le chirurgien ouvre l’abdomen, clampe l’aorte au-dessus et en dessous de l’anévrisme, ouvre la poche anévrismale et coud à l’intérieur une prothèse en tissu (Dacron, PTFE) pour remplacer le segment d’artère malade. La paroi de l’anévrisme est ensuite refermée par-dessus la prothèse.
- Avantages : C’est une solution extrêmement durable et fiable, avec des décennies de recul. C’est le traitement de référence pour les patients jeunes et en bon état général.
- Inconvénients : C’est une chirurgie lourde, avec une hospitalisation d’environ une semaine et une convalescence de plusieurs semaines. Les risques opératoires (cardiaques, rénaux) sont plus élevés que pour le traitement endovasculaire.
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Le Traitement Endovasculaire (EVAR – Endovascular Aneurysm Repair)
C’est la révolution de ces 20 dernières années. Cette technique minimalement invasive est devenue le traitement de choix pour la majorité des patients, en particulier les plus âgés ou fragiles.
- Le principe : L’intervention est réalisée sous anesthésie locale ou locorégionale. Le chirurgien n’ouvre pas le ventre. Il réalise deux petites incisions au pli de l’aine pour accéder aux artères fémorales. Par ces incisions, il introduit une endoprothèse pliée dans un cathéter. Cette endoprothèse est une sorte de stent couvert, un tube métallique expansible recouvert d’une membrane en tissu. Elle est guidée sous contrôle radiologique jusqu’à l’intérieur de l’anévrisme, puis déployée. Elle s’ancre sur la paroi saine de l’aorte au-dessus et en dessous de l’anévrisme, l’excluant ainsi de la circulation sanguine. Le sang passe désormais à l’intérieur de la prothèse, et la pression est supprimée de la paroi de l’anévrisme, éliminant le risque de rupture.
- Avantages : Intervention beaucoup moins lourde, durée d’hospitalisation courte (2 à 3 jours), récupération très rapide. Les risques opératoires sont significativement réduits. C’est la technique idéale pour les patients plus âgés ou présentant d’autres maladies (cardiaques, respiratoires).
- Inconvénients : Cette technique nécessite une surveillance à vie par scanner ou échographie pour s’assurer que l’endoprothèse reste bien en place et qu’il n’y a pas de fuites (endofuites) qui pourraient réalimenter l’anévrisme. L’anatomie de l’anévrisme doit être compatible avec la pose de la prothèse (collet suffisant, artères fémorales pas trop petites).
Conclusion : Du dépistage à la thérapie sur mesure
La dilatation artérielle, ou anévrisme, est une pathologie dont la gravité réside dans son caractère silencieux. La stratégie gagnante repose sur deux piliers : le dépistage ciblé des populations à risque et le contrôle agressif des facteurs de risque, au premier rang desquels le tabac et l’hypertension.
Lorsqu’un traitement s’avère nécessaire, la médecine vasculaire moderne offre un arsenal thérapeutique permettant une approche sur mesure. Le choix entre la chirurgie ouverte traditionnelle, robuste et durable, et le traitement endovasculaire (EVAR), moins invasif et à récupération rapide, n’est pas une compétition mais une décision médicale personnalisée. Elle dépend de l’âge du patient, de son état général, mais aussi de l’anatomie précise de son anévrisme.
En Tunisie, ces deux options thérapeutiques sont disponibles dans les centres spécialisés en chirurgie vasculaire. La clé est de ne pas attendre les symptômes. Si vous appartenez à un groupe à risque, un simple examen d’échographie peut vous sauver la vie en identifiant la menace avant qu’elle ne se manifeste.
Vous avez plus de 60 ans, vous êtes ou avez été fumeur ? Un membre de votre famille a eu un anévrisme ?Ne laissez pas cette maladie silencieuse évoluer sans surveillance. Parlez-en à un spécialiste et discutez de l’opportunité d’un dépistage adapté à votre profil.
Références
[1] Vidal. “Anévrisme : causes, symptômes et prévention”. Informations générales sur les facteurs de risque. Disponible sur : https://www.vidal.fr/maladies/coeur-circulation-veines/anevrisme-anevrysme.html
[2] Elsan. “Rupture d’anévrisme : définition, causes et traitements”. Données sur les facteurs de risque et la mortalité. Disponible sur : https://www.elsan.care/fr/pathologie-et-traitement/maladies-vasculaires/anevrisme-definition
[3] Stanford Medicine. “First Endovascular Ascending Aorta Stent Graft in Western US”. Article sur les avancées des traitements endovasculaires (contexte 2025). Disponible sur : https://med.stanford.edu/ctsurgery/about-the-department/news/2025/first-endovascular-ascending-aorta-stent-graft-in-western-us.html
[4] Haute Autorité de Santé (HAS), France. “Prise en charge de l’anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale”. Les recommandations de dépistage et de traitement sont basées sur les consensus internationaux, largement adoptés en Tunisie.